100% Radio : la toulousaine qui a défié Radio France
février 28, 2011
Les récents démêlés du réseau France Bleu à Toulouse ont beaucoup fait causer. Pensez-donc : la 43ème station du réseau France Bleu vient de passer trois mois sans autorisation d’émettre dans la ville rose. Son équipe de 28 personnes travaillait à blanc en attendant de pouvoir brancher l’émetteur, le 23 février dernier. Derrière cette drôle d’histoire, il fallait voir un bras de fer entre le CSA et les radios indépendantes, au premier rang desquelles se trouvait « 100% radio ». Son directeur, Olivier Fabre, n’a pas dit son dernier mot.
« Attention : notre but dans la vie n’est pas d’embêter Radio France ! » sourit Olivier Fabre, avec une jolie pointe d’accent du Sud Ouest. Ce jeune patron de radio (il a fondé 100% radio il y a à peine une dizaine d’années avec son associé Jacques Irribaren) peut se réjouir. Sondage après sondage, son réseau a su conquérir et fidéliser un nombre toujours plus important d’auditeurs.
Basée à Mazamet, cette grosse station régionale a vu en juillet 2010 son audience faire un bond de près de 30 %, enregistrant près de 110.000 auditeurs par jour*. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance : installée aux pieds des Pyrénées, la station a dû composer avec une géographie accidentée et 17 émetteurs qui encerclent Toulouse… sans jamais la rejoindre. Le plus gros réseau de Midi-Pyrénées émet donc partout, sauf sur sa capitale (voir la carte).
Cinq décrochages départementaux
« Et dans notre région, tout est centralisé à Toulouse ! » La radio a dû mettre les bouchées doubles pour s’imposer sur plusieurs zones de diffusion très différentes, principalement constituées de villes moyennes, avec des auditeurs parfois très éloignés les uns des autres. Ses créateurs ont misé sur une stratégie de programmes par bassins de vie (comme d’ailleurs sa consœur de Rodez, Totem, qui vit une situation géographique tout à fait semblable). Ils se sont dotés d’une rédaction significative (5 journalistes, plus des pigistes et des rubricards), qui livre des bulletins d’information spécifiques sur chaque département couvert (il y en a 5). Les animateurs et les chroniqueurs ont également leur rôle à jouer dans la ligne éditoriale en donnant toute la journée des contenus à la fois ludiques et informatifs qui saisissent toutes les occasions d’explorer la vie locale, du tourisme au Rugby en passant par la route et la météo (avec un météorologue dédié, comme les plus grandes !).
Alors on comprend mieux que la préemption de l’unique fréquence disponible à Toulouse par Radio France ait un peu… escagacé, à Mazamet.
«
En 2011, il est anormal que le service public puisse encore préempter des fréquences comme dans les années 80 ou 90. Surtout dans un contexte où la ressource hertzienne est rare, et où Radio France dispose de 7 marques ! » Olivier Fabre ne veut pas pour autant qu’on le considère comme le chef de la fronde qui en a appelé au Conseil d’Etat, même s’il admet qu’il s’y est beaucoup investi. «
Ce combat est d’abord et avant tout celui du SIRTI (le syndicat des radios et télévisions indépendantes).
C’est un combat collectif, que nous avons mené avec des radios comme Africa N°1 ou Totem, au nom des radios Indépendantes. Il faut se souvenir que cette fréquence, que le CSA a attribuée au service Public, était la fréquence d’une radio indépendante privée (ndlr: le réseau Parenthèse, qui a fait faillite). (…)
Sur le fond de l’affaire, on peut dire que techniquement, le Conseil d’Etat nous a donné raison. Et le CSA s’est alors retrouvé dans une situation compliquée, puisqu’après cette préemption opérée par le service public, qu’il a dû valider, et que nous avons contesté, il a fallu qu’il joue les pompiers d’une situation brûlante chez France Bleu ».
« Nous aussi, nous rendons un service au public ! »
Olivier Fabre n’est pas mécontent de son opération. Avec le SIRTI, il est parvenu à secouer l’institution qui considérait jusqu’alors comme acquis ce fameux droit de préemption du service public. « Nous aussi, nous rendons un vrai service au public. Et il n’est pas normal qu’on ne puisse pas le rendre à Toulouse ! (…) Mais je n’ai aucune animosité contre France Bleu. Au contraire. Nous partageons beaucoup de combats au nom de la défense de la radio. Nous affirmons juste que le CSA doit aussi assumer une responsabilité économique. Chez 100% radio nous avons 40 collaborateurs, en comptant les pigistes. Nous voulons nous développer avec nos salariés. Le Conseil doit pouvoir aider nos entreprises, qui pèsent aujourd’hui des milliers d’emplois, à obtenir des couvertures suffisantes pour s’équilibrer et… se développer ! »
Pour le directeur de 100%, le combat n’est pas fini. « Nous avons mené des tests techniques très poussés, avec l’accord du CSA, sur une fréquence toulousaine, le 91.7. Et il apparaît que cette fréquence peut tout à fait être utilisée par notre radio, puisque nous émettons dans le secteur immédiatement voisin sur le 91.6. Si le CSA valide nos tests, il faut alors planifier. Après cette affaire, il y a une mesure d’équité à prendre. Nous attendons que le CSA lance un appel à candidature. »
Jean-Charles Verhaeghe
*Médiamétrie – Enquête Médialocales, période septembre 2009/juin 2010. Audience cumulée sur 13 ans et +, lundi/vendredi, 5h/24h.
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