Les quotas français peuvent-ils être… anglophones ?
février 18, 2011 No Comments
Dans « Halte à la concentration musicale à la radio », publié sur lemonde.fr ce 17 février, les acteurs de la filière musicale en France s’indignent du peu de place donnée sur les ondes françaises à la chanson francophone, et en appellent au CSA pour durcir le ton. Ils se basent sur l’étude que l’institut Yacast a publié début février, le bilan radio, qui analyse les programmations musicales des principales radios françaises sur l’année 2010. Antoine Baduel, directeur de FG DJ radio, estime cette tribune profondément vexante, eu égard à son travail de défrichage de la scène française… anglophone.
Les chiffres sont clairs : les radios française ont, en 2010, diffusé moins de nouveautés, et moins de titres en français. « Parmi les 100 titres les plus diffusés en radio en 2010, trente sont interprétés en français. Il s’agit du chiffre le plus bas enregistré dans un bilan radio », explique le rapport.
De leur côté, les acteurs de la filière musicale affirment avoir assumé leur part de « prise de risque » en 2010 : « Pour justifier leur comportement, écrivent les auteurs de cette tribune, les radios accusent les maisons de disques de délaisser les artistes francophones. Faux. Malgré la crise, les producteurs ont envoyé aux radios, en 2010, 2 180 nouveautés, dont 713 productions francophones. »
Le marketing avant l’artistique ?
Alors, que faire ? On ne peut pas tout à fait donner tort aux acteurs de la filière musicale lorsqu’ils expriment au bout du compte que les programmateurs des radios françaises ne prennent pas assez de risques. On ne peut pas contester que beaucoup de ces professionnels ont tendance à remiser leur « feeling » et leur sens artistique au second rang, choisissant, en ces temps de crise, de faire valider leurs choix de programmation et donc leurs coups de cœur éventuels par… des panels, des auditoriums et autres martingales marketing. Et à ce petit jeu, il est beaucoup plus facile (et beaucoup moins risqué pour l’audience) de programmer un bon vieux « gold », déjà connu et archi-validé par le public, qu’une nouveauté explorant de nouvelles pistes musicales.
A l’inverse, on ne peut pas contester que lorsqu’il est pris, le risque peut payer. Beaucoup de radios, notamment dites « jeunes », misent précisément leur fréquentation sur cette expertise de « découvreurs de talents », et donc sur cette prise de risque. La découverte de l’artiste Belge Stromae est ainsi revendiquée à juste raison par un opérateur de radio régionale, Contact, dans le Nord de la France, qui a diffusé le fameux tube multi-primé « alors on danse » six mois avant tout le monde.
Contact est une radio Dance. Et la Dance est précisément l’un des genres les plus populaires de l’année 2010, selon le rapport de Yacast. Un genre porté par quelques antennes françaises, comme FG, depuis plusieurs décennies.
Antoine Baduel, FG DJ Radio :
« La situation est totalement schizophrène ! »
Télescopage de l’actualité, Henri Maurel est mort le jour même où la tribune était publié sur Le Monde .fr. Or, Celui qui en 1993 a repris « Fréquence Gaie » pour en faire FG DJ radio n’a précisément pas manqué d’audace.
On lui doit la fameuse Techno-Parade, qui célèbre depuis 1998 la musique électronique à travers la capitale, et sans aucun doute également, l’émergence de la fameuse French Touch, qui fait des artistes français des spécialistes mondialement reconnus de la Dance et du Deejaying. Les Daft Punk, Justice, Bob Sinclar et autres David Guetta en sont les meilleures illustrations.
Or, qui le rapport de Yacast place-t-il en tête des morceaux les plus joués en France en 2010 ?
« La situation est totalement schizophrène, s’indigne Antoine Baduel, directeur de la radio FG, contacté par MY Conseils. Au-delà des quotas français, ne faut-il pas aussi tout simplement défendre le catalogue Français ? Des radios comme FG, depuis des années, ont joué un rôle essentiel dans l’émergence de ce courant artistique, basé en France, et qui se trouve être aujourd’hui l’un des plus bankable au niveau mondial ! » Or, insiste ce professionnel, si ces artistes s’exportent aujourd’hui aussi bien (rappelons que David Guetta est l’un des « faiseurs » du succès des Black Eyed Peas), c’est parce qu’ils chantent en anglais… pour s’expatrier. « Cette tribune est au bout du compte vexante, au regard de tout ce qu’on a pu faire, et de tout ce qu’on fera encore pour soutenir le catalogue français, et lui donner des couleurs à l’international ! (…) Moi, je suis tout à fait ouvert au dialogue. Il serait bien que nous ouvrions un débat avec le SNEP, débat où l’on pourrait poser certaines pondérations, tenant compte de la spécificité de chaque format ! »
Jean-Charles Verhaeghe
Télécharger le rapport de Yacast ici
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